Une barrière de rösti de plus en plus marquée
D’après un sondage actuel, les Romands ont une vision bien plus négative de la qualité du système de santé suisse que leurs compatriotes alémaniques ou italophones. Des primes de caisse-maladie plus élevées en Suisse romande pourraient expliquer ce constat.
En matière de santé, la barrière de rösti est de plus en plus marquée. C’est ce qu’indique l’actuel Moniteur de la santé, un sondage représentatif que mène régulièrement gfs.bern sur mandat d’Interpharma. Des chiffres qui surprennent. Moins de la moitié des Romands interrogés considèrent que le système de santé suisse est bon ou très bon, contre 83 % des personnes interrogées en Suisse alémanique et 76 % en Suisse italienne. De plus, les Romands sont bien plus favorables à un pilotage accru du système de santé par le marché et aux mesures visant à freiner les coûts que le reste de la Suisse.
Jusqu’à présent, les tendances politiques montraient plutôt l’inverse : lors de votations nationales, les Romands se sont presque toujours montrés moins libéraux que les Alémaniques ou les Tessinois. Qu’il s’agisse de politique sociale, économique ou sanitaire : ils souhaitaient plus d’intervention de l’État. La pensée libérale, centrée sur la responsabilité individuelle tant pour soi que pour la société, est moins ancrée. En conséquence, les impôts, par exemple, sont presque toujours plus élevés en Suisse romande qu’en Suisse alémanique.
Plus de marché et moins de prestations
La tendance qui ressort du Moniteur de la santé 2024 est tout autre : les Romands veulent un système de santé conçu par les cantons, réglé par le marché et qui couvre surtout des risques élevés. Pour faire baisser les coûts, les Romands sont prêts à accepter des réformes telles que des restrictions dans le catalogue de prestations ou un accès limité aux médicaments. En Suisse alémanique, on souhaite tout l’inverse : plus de compétences à l’État, plus de régulation et la couverture de toutes les prestations.
Un regard critique sur les prestations
Comment faire le lien entre ces résultats et l’image « à gauche et partisans de l’État » qui a toujours collé à la peau des Romands jusqu’à présent ? C’est la question que nous avons posée à Urs Bieri, codirecteur de l’institut de recherche gfs.bern.
Ce dernier suppose que la problématique des coûts n’est pas perçue de la même manière en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Les coûts, et donc les primes maladie, sont certes aussi très élevés outre-Sarine, mais les Suisses allemands considèrent que les prestations de santé sont de grande qualité, ce qui pour eux compense la cherté des primes.
Cet équilibre semble être en passe de basculer en Suisse romande, d’après notre expert. La question des coûts de la santé revient toujours au centre des débats publics, ce qui n’a rien d’étonnant au regard des primes maladie parfois exorbitantes dans cette partie du pays. Ainsi, la question de la charge qui pèse sur le budget des ménages a été vivement débattue durant les dernières élections et votations sur les initiatives concernant les rentes et la santé, notamment en Suisse romande.
Au fil de ces discussions sur les coûts, le regard de la Suisse francophone sur les prestations est devenu plus critique. On cherche de nouvelles solutions, ce qui pourrait expliquer cet appel à plus d’économie de marché, les tentatives menées jusqu’ici n’ayant visiblement pas réussi à faire baisser les coûts. La Suisse romande commence même à se demander si restreindre les prestations n’est pas une idée opportune, ce qui, d’après Urs Bieri, mérite d’être relevé. En effet, cette question n’est pas soulevée en Suisse alémanique, du moins pas encore.
Le débat sur les coûts influence-t-il les décisions politiques ?
Qu’est-ce que cela signifie pour l’évolution de la politique de la santé ? Il est fort probable que le débat sur les coûts continue d’être vif en Suisse romande, le problème des primes élevées n’ayant visiblement pas été résolu. Il sera donc très intéressant d’observer ce que la Suisse romande décidera lors des prochaines votations qui concerneront la santé ; si d’aventure la question de la caisse unique devait à nouveau être tranchée dans les urnes, par exemple.