La population peine à interpréter les informations sanitaires
La moitié de la population peine à interpréter correctement les informations sanitaires nous apprend une étude suisse commanditée par l’OFSP, ce qui cadre mal avec un système de santé light.
On appelle compétence sanitaire la capacité à trouver, comprendre et évaluer des informations sanitaires pertinentes et à en tirer des conclusions ayant un effet favorable sur la santé. Si cette compétence a un effet spécifique sur la santé de chaque personne, elle alourdit en outre les coûts de la santé. Ceci parce qu’une personne à faible compétence sanitaire a tendance à solliciter plus souvent le système de santé.
Or la population suisse est loin de briller par sa compétence sanitaire. Plus d’un citoyen sur deux peine à se prononcer sur la crédibilité d’une information nous apprend le Health Literacy Survey Suisse 2019-21.
La formation n’est pas déterminante
La conclusion de l’étude suisse est que la moitié, environ, des Suissesses et des Suisses ont une compétence sanitaire insuffisante. Depuis la dernière enquête, en 2015, la part des personnes ayant une compétence sanitaire déficiente ou problématique a encore légèrement augmenté.
Le plus difficile n’est toutefois pas de trouver et de comprendre les informations mais de savoir les évaluer et en faire usage – surtout lorsqu’elles proviennent des médias. Mais une bonne moitié de la population ne sait pas comment s’y prendre pour demander un deuxième avis médical ou se faire une idée des avantages et des inconvénients de tel ou tel traitement.
Selon cette étude, une faible compétence sanitaire est en étroite corrélation avec un petit budget domestique et une légère aide sociale. Le niveau de formation et le fait d’être issu de la migration, en revanche, ont peu d’importance. Pour le premier critère, ce n’est qu’à partir du niveau master que se manifeste une nette augmentation de compétence. Pour le deuxième, l’aptitude à maîtriser les informations ayant trait à la santé dépend essentiellement de la connaissance du parler local.
Le déluge d’informations numériques
C’est surtout sur Internet et les réseaux sociaux que beaucoup de gens cherchent à s’informer des questions de santé. Mais, comme le montre l’étude, l’interprétation des informations d’origine numérique continue à poser problème. Trois personnes sur quatre s’en disent incapables. Cela s’explique en partie par l’« infodémie », c’est-à-dire par le déluge d’informations, fake news comprises, provenant de l’espace numérique. La compétence sanitaire numérique dépend en outre de l’âge. Plus il est élevé, plus cette compétence est généralement faible.
Le sondage suisse sur la compétence sanitaire a coïncidé avec la pandémie du coronavirus, à laquelle a été spécifiquement consacrée une autre étude, dont il ressort que la part des personnes très bien informées de cette pandémie était en avril 2020 de 53 pour cent, soit d’un rien supérieure à celle de la compétence sanitaire générale (51 pour cent).
Près de la moitié des personnes participant à l’étude Corona n’en ont pas moins fait état de difficultés s’agissant de trouver dans les médias de quoi savoir se protéger contre le Covid-19. Conclusion: Bien que les informations à base de faits aient augmenté, les connaissances sur la santé et leur bonne utilisation n’ont pas augmenté. Et il semblerait même, au contraire, que la population ait beaucoup de mal à s’accommoder à l’infodémie.
Aider les patients
Patientes et patients peinent en outre à s’orienter dans le système de santé suisse et, surtout, à trouver dans celui-ci quels sont leurs droits en tant que tels. Ils ont aussi du mal à comprendre les réformes sanitaires et à trouver des informations sur la qualité des prestataires. La plupart des personnes interrogées ont en outre du mal à estimer la part des coûts qui sera prise en charge par leur assurance-maladie.
Il faut espérer que les acteurs du système de santé suisse prendront ces difficultés au sérieux et qu’ils feront en
sorte qu’il devienne plus facile pour les patients de s’orienter dans le système de santé. Il conviendrait en outre de mettre l’accent sur les groupes de population défavorisés sur le plan social et sanitaire. À plus forte raison lorsqu’il s’agit de prévention. Les associations professionnelles, les services spécialisés et les autorités devraient se mettre à débroussailler la jungle d’informations en mettant à disposition des renseignements scientifiques simples. Faire des économies en matière de prévention et d’offres d’informations numériques, en revanche, ne servirait à rien, car rien n’arrêtera l’infodémie qui sévit sur l’Internet – laquelle aura inévitablement un impact sur les coût de la santé si l’on n’aide pas patientes et patients à trouver les informations qui leur sont nécessaires.
Health Literacy Survey
Health Literacy Survey Schweiz 2019-21 est un sondage représentatif commandité par l’OFSP et effectué par la Fondation Careum et l’Institut de recherche gfs.bern. Il a été conduit dans le cadre international du Health Literacy Survey de l’Organisation mondiale de la santé OMS dans le but d’étudier la compétence sanitaire actuelle de la population.
Cet article est une réimpression tirée du SWISS DENTAL JOURNAL SSO, organe de publication scientifique de la Société suisse des médecins-dentistes SSO.