De la maladie comme métaphore
Lu voici quelques semaines, « Illness as Metaphor », le livre de Susan Sontag, m’obsède. Commentaire de L'invitée.
Ce livre, qui s’interroge sur les raisons faisant que certaines maladies nous apparaissent comme des métaphores, m’a appris que le 19e siècle tenait encore les êtres sensibles que sont les poètes pour des personnes en grand danger de contracter la « maladie consomptive», c.-à-d. la tuberculose.
Si cela nous apparaît aujourd’hui comme une aberration, Susan Sontag n’en pense pas moins qu’une maladie est d’autant plus entourée de mythes qu’elle est mal connue et qu’il en va de même pour les pandémies : la peste bubonique était autrefois perçue comme une punition venue d’en haut, et le choléra comme le signe d’un ordre moral en déliquescence.
Ce que nous dit Susan Sontag est qu’une maladie ne se déroule jamais en apesanteur et qu’elle est toujours enrobée dans un « récit » – ce qui peut être délicat. En 1975, souffrant elle-même d’un cancer, elle a été meutrie par la brutalité de métaphores telles que celle de « tumeur maligne ».
Me demandant alors si le COVID-19 avait été, lui aussi, « métaphorisé », j’ai été frappée de la rudesse de notre langage, frappée des coronavirus qui « attaquent » les voies respiratoires, frappée des enfants traités de réservoirs à virus et scandalisée du « nous sommes en guerre » lancé en mars 2020 par Emmanuel Macron.
En fait-on trop au sujet de cette pandémie ? Je n’en sais rien. Je constate toutefois – et c’est heureux – que le débat est très factuel (taux d’incidence sur 7 jours, valeurs R_0), mais je me dis souvent que nous payons aujourd’hui les dérives du capitalisme. Quoi qu’il en soit, Susan Sontag nous conseillerait sans doute de rester « cool », d’écouter ce que dit la science et de ne jamais, au grand jamais, projeter nos convictions sur une maladie!
Une version plus longue de ce texte est déjà parue dans «Das Magazin».